Très tôt ce matin
Insouciante
Avec joie
J'ai pris du bout des doigts
Une perle de rosée
Légère , minuscule
Evanescente
Petite bulle
Eclat du satin
Douceur de la soie
Infime goutte d'eau
La perfection du Beau !
Avec une infinie précaution
Tremblante autant qu'elle
Petite vie si frêle
Je l'ai délicatement déposée
Au creux de ma main
Avec émotion , l'ai contemplée
Avec attention , l'ai observée
Toute étonnée
Sous mes yeux émerveillés
Ont défilé le présent , le passé
Tous ceux que j'ai aimés
Que j'aime encore
Ma vie entière
Les secrets de l'univers
Le bonheur , la douleur
Les couleurs
De l'arc-en-ciel
Trésors et merveilles
Les rayons du soleil
Rubis et diamants
Nectar et miel
Ces miroirs du Néant
Des filles aux yeux d'or
Des garçons plus beaux encore .
Dans ma main
Je tenais le Destin
Un monde miniature
Véritable boîte de Pandore
Le petit livre d'or
Des lois de la nature
Des sciences
De la connaissance
Psyché de l'infini
Des mystères engloutis .
Gonflée d'orgueil
De mon savoir
De ma toute puissance
En tout insouciance
Je serrais un peu trop fort
Dans mon poing , ce trésor .
Une voix se fit entendre
Suivi d'un immense soupir :
" Aie ! tu me fais mal !"
Sans plus entendre
J'entrouvris les doigts
Et jetais un oeil...
La goutte en position
Fâcheuse
D'un oeil sépulcral
Me toisait , furieuse
"Pour ta punition ,
Me dit-elle ,
Regarde l'avenir
Ma belle !"
Dans ma paume seulement
Un trou béant
Un abîme , le Néant
Un monde obscur
Plein de souillures
D'où jaillirent
Des spectres effrayants
Des gnomes grimaçants
Des ombres menaçantes
Des insectes rampants
A l'aspect bancal
De pierre et de métal
Des fumées polluantes
Odeurs pestilentielles
Boues décapantes
Flaques visqueuses
Pluies torrentielles
Tours vertigineuses
Véritable Babel
Trés hautes dans le ciel
Vents violents
Typhons , ouragans
Séismes , famine
Guerre , mines
Partout la misère
Mains criminelles
Bruits démentiels
Viols , meurtres , tortures
Glace , déserts , froidure
Cris pathétiques
Assourdissants
Mélange anarchique
Hurlements , gémissements
Larmes , douleurs.....
Et.....arriva une masse informe
Triste , courbée , difforme
L'immense troupeau des hommes
Et moi , honteuse , en pleurs
Lamentable , désespèrée
J'avais contribué au malheur
De la planète
De l'humanité....
Au-dessus de ma tête
Passa la gouttelette
Hurlant à tue-tête
" Vous êtes bien trop nuls !
Vous êtes bien trop bêtes !
Vous n'avez rien compris
Vous et votre progrès !
Vous et vos outils !
Vos bruyantes machines !
Vos sales combines !
La création sera toujours la plus forte
Que le diable vous emporte ! "
Elle partit dans les airs
Ses mots résonnèrent
Aux alentours
Dans l'éther
Dans cet univers
Dépourvu d'amour .
" Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ."