Je ris toute seule ! j'entends partout la beauté ce n'est pas important , ça ne compte pas , ce qu'il faut voir c'est la beauté intérieure !!! Alors comment ce fait-il que vous ayez tous et toutes fait le nez sur la photo de cette innocente courtilière qui ne vous a jamais rien dit , ni causé le moindre ennui ... Vous êtes toutes des sacrées chipies !!!
J'ai oublié de vous dire , cette courtilière si vilaine a un chant à rendre jalouses les sirènes !!!
A présent un magnifique poème d'Hugo : " Le Crapaud "
Depuis mon enfance ce poème m'émeut aux larmes tant par sa beauté que par sa générosité ; il est un peu long , je vous l'accorde ...si vous n'avez pas le temps de le lire aujourd'hui , revenez demain l'apprécier à tête reposée ; il est superbe mais sans doute beaucoup le connaissent déjà !
Au passage je dénonce la torture physique et morale , tant pour l'homme que pour l'animal ! La torture : ultime bassesse , exécrable lâcheté , la honte de l'humanité ; pire que le crime !
Je dénonce la torture quotidienne , le chantage à la peur , les humiliations , tous les coups tordus et vicelards qui pourrissent l'existence !
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Que savons-nous ? Qui donc connaît le fond des choses ?
Le couchant rayonnait dans les nuages roses ;
C'était la fin du jour d'orage , et l'occident
Changeait l'ondée en flamme en son brasier ardent ;
Près d'une ornière , au bord d'une flaque de pluie ,
Un crapaud regardait , bête éblouie ;
Grave , il songeait ; l'horreur contemplait la splendeur .
(Oh ! pourquoi la souffrance et pourquoi la laideur ?
Hélas ! le bas-empire est couvert d'Augustules ,
Les Césars de forfaits , les crapauds de pustules ,
Comme le pré de fleurs et le ciel de soleils !)
Les feuilles s'empourpraient dans les arbres vermeils ;
L'eau miroitait , mêlée à l'herbe , dans l'ornière ;
Le soir se déployait ainsi qu'une bannière ;
L'oiseau baissait la voix dans le jour affaibli ;
Tout s'apaisait , dans l'air , sur l'onde ; et , plein d'oubli ,
Le crapaud , sans effroi , sans honte , sans colère ,
Doux , regardait la grande auréole solaire ;
Peut-être le maudit se sentait-il béni ,
Pas de bête qui n'ait un reflet d'infini ;
Pas de prunelle abjecte et vile qui ne touche
L'éclair d'en haut , parfois tendre et parfois farouche ;
Pas de monstre chétif , louche , impur , chassieux ,
Qui n'ait l'immensité des astres dans les yeux .
Un homme qui passait vit la bête hideuse ,
Et , frémissant , lui mit son talon sur la tête ;
C'était un prêtre ayant un livre qu'il lisait ;
Puis une femme , avec une fleur au corset ,
Vint et lui creva l'oeil du bout de son ombrelle ;
Et le prêtre était vieux , et la femme était belle .
Vinrent quatre écoliers , sereins comme le ciel .
- J'étais enfant , j'étais petit , j'étais cruel ; -
Tout homme sur la terre , où l'âme erre asservie ,
Peut commencer ainsi le récit de sa vie .
On a le jeu , l'ivresse et l'aube dans les yeux ,
On a sa mère , on est des écoliers joyeux ,
De petits hommes gais , respirant l'atmosphère
A pleins poumons , aimés , libres , contents ; que faire
Sinon de torturer quelque être malheureux ?
Le crapaud se traînait au fond du chemin creux .
C'était l'heure où des champs les profondeurs s'azurent ;
Fauve , il cherchait la nuit ; les enfants l'aperçurent
Et crièrent : " Tuons ce vilain animal ,
Et , puisqu'il est si laid , faisons-lui bien du mal !"
Et chacun d'eux , riant - l'enfant rit quand il tue -
Se mit à le piquer d'une branche pointue ,
Elargissant le trou de l'oeil crevé , blessant
Les blessures , ravis , applaudis du passant ;
Car les passants riaient ; et l'ombre sépulcrale
Couvrait ce noir martyr qui n'a pas même un râle ,
Et le sang , sang affreux , de toutes parts coulait
Sur ce pauvre être ayant pour crime d'être laid ;
Il fuyait ; il avait une patte arrachée ;
Un enfant le frappait d'une pelle ébréchée ;
Et chaque coup faisait écumer ce proscrit
Qui , même quand le jour sur sa tête sourit ,
Même sous le grand ciel , rampe au fond d'une cave ;
Et les enfants disaient : " Est-il méchant ! Il bave !"
Son front saignait ; son oeil pendait ; dans le genêt
Et la ronce , effroyable à voir , il cheminait ;
On eût dit qu'il sortait de quelque affreuse serre ;
Oh ! la sombre action , empirer la misère !
Ajouter de l'horreur à la difformité !
Disloqué , de cailloux en cailloux cahoté ,
Il respirait toujours ; sans abri , sans asile ,
Il rampait ; on eût dit que la mort , difficile ,
Le trouvait si hideux qu'elle le refusait ;
Les enfants le voulaient saisir dans un lacet ,
Mais il leur échappa , glissant le long des haies ;
L'ornière était béante , il y traîna ses plaies
Et s'y plongea sanglant , brisé , le crâne ouvert ,
Sentant quelque fraîcheur dans ce cloaque vert ,
Lavant la cruauté de l'homme en cette boue ;
Et les enfants , avec le printemps sur la joue .
Blonds , charmants , ne s'étaient jamais tant divertis .
Tous parlaient à la fois , et les grands aux petits
Criaient : " Viens voir ! dis donc , Adolphe , dis donc , Pierre
Allons pour l'achever prendre une grosse pierre !"
Tous ensemble , sur l'être au hasard exécré ,
Ils fixaient leurs regards , et le désespèré
Regardait s'incliner sur lui ces fronts horribles .
- Hélas ! ayons des buts , mais n'ayons pas de cibles ;
Quand nous visons un point de l'horizon humain ,
Ayons la vie , et non la mort , dans notre main . -
Tous les yeux poursuivaient le crapaud dans la vase ;
C'était de la fureur et c'était de l'extase ;
Un des enfants revînt , apportant un pavé ,
Pesant , mais pour le mal aisément soulevé ,
Et dit : " Nous allons voir comment cela va faire .-
Or , en ce même instant , juste à ce point de terre ,
Le hasard amenait un chariot très lourd
Traîné par un vieux âne écloppé , maigre et sourd ;
Cet âne harassé , boîteux et lamentable ,
Après un jour de marche approchait de l'étable ;
Il roulait la charrette et portait un panier ;
Chaque pas qu'il faisait semblait l'avant-dernier ;
Cette bête marchait , battue , exténuée ;
Les coups l'enveloppaient ainsi qu'une nuée ;
Il avait dans ses yeux voilés d'une vapeur
Cette stupidité qui peut-être est stupeur ;
Et l'ornière était creuse , et si pleine de boue
Et d'un versant si dur , que chaque tour de roue
Etait comme un lugubre et rauque arrachement ;
Et l'âne allait geignant et l'ânier blasphémant ;
La route descendait et poussait la bourrique ;
L'âne songeait , passif , sous le fouet , sous la trique ,
Dans une profondeur où l'homme ne va pas .
Les enfants , entendant cette roue et ce pas ,
Se tournèrent bruyants et virent la charrette :
-" Ne mets pas le pavé sur le crapaud . Arrête !"
Crièrent-ils . " Vois-tu , la voiture descend
Et va passer dessus , c'est bien plus amusant .
"Tous regardaient . Soudain , avançant dans l'ornière
Où le monstre attendait sa torture dernière ,
L'âne vit le crapaud , et , triste , - hélas ! penché
Sur un plus triste - lourd , rompu , morne , écorché ,
Il sembla le flairer avec sa tête basse ;
Ce forçat , ce damné , ce patient , fit grâce ;
Il rassembla sa force éteinte , et , roidissant
Sa chaîne et son licou sur ses muscles en sang ,
Résistant à l'ânier qui lui criait : Avance !
Maîtrisant du fardeau l'affreuse connivence ,
Avec sa lassitude acceptant le combat ,
Tirant le chariot et soulevant le bât ,
Hagard , il détourna la roue inexorable ,
Laissant derrière lui vivre ce misérable ;
Puis , sous un coup de fouet , il reprit son chemin .
Alors , lâchant la pierre échappée à sa main ,
Un des enfants - celui qui conte l'histoire -
Sous la voûte infinie à la fois bleue et noire ,
Entendit une voix qui lui disait : Sois bon !
Bonté de l'idiot ! diamant du charbon !
Sainte énigme ! lumière auguste des ténèbres !
Les célestes n'ont rien de plus que les funèbres
Si les funèbres , groupe aveugle et châtié ,
Songent , et , n'ayant pas la joie , ont la pitié .
O spectacle sacré ! l'ombre secourant l'ombre ,
L'âme obscure venant en aide à l'âme sombre ,
Le stupide , attendri , sur l'affreux se penchant ,
Le damné bon faisant rêver l'élu méchant !
L'animal avançant lorsque l'homme recule !
Dans la sérénité pâle du crépuscule ,
La brute par moments pense et sent qu'elle est soeur
De la mystérieuse et profonde douceur ;
Il suffit qu'un éclair de grâce brille en elle
Pour qu'elle soit égale à l'étoile éternelle ;
Le baudet qui , rentrant le soir , surchargé , las ,
Mourant , sentant saigner ses pauvres sabots plats ,
Fait quelques pas de plus , s'écarte et se dérange
Pour ne pas écraser un crapaud dans la fange ,
Cet âne abject , souillé , meurtri sous le bâton ,
Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon .
Tu cherches , philosophe ? O penseur , tu médites ?
Veux-tu trouver le vrai sous nos brumes maudites ?
Crois , pleure , abîme-toi dans l'insondable amour !
Quiconque est bon habite un coin du ciel . O sage ,
La bonté , qui du monde éclaire le visage ,
La bonté , ce regard du matin ingénu ,
La bonté , pur rayon qui chauffe l'inconnu ,
Instinct qui , dans la nuit et dans la souffrance , aime ,
Est le trait d'union ineffable et suprême
Qui joint , dans l'ombre , hélas ! si lugubre souvent ,
Le grand ignorant , l'âne , à Dieu le grand savant .