Dieu qu'elles étaient belles
les dames , les demoiselles
aux lèvres brillantes , vermeilles
pulpeuses groseilles
riantes , en ribambelle
ou seules , sur les trottoirs
sur le macadam noir
du désespoir .
Elle les surnommait
" Les Groseilles à Maquereaux "
ils étaient beaux aussi leurs mecs
leurs macs , les maquereaux
cigarette au bec
l'oeil andalou
dandy ou voyou
cheveux gominés
minces , bronzés
si parfumés ...
des prédateurs , des loups
des séducteurs , des marlous ...
Pour aller en classe
tous les jours
en Avignon
comme on danse
sur le pont
elle faisait un détour
Rue de l'Amour
quartier de la Balance
dans des impasses
pour avoir la chance
de croiser les maquereaux ...
elle ne comprenait pas
pourquoi on les appelait comme ça ...
les maquereaux , ça pue le poisson !
mais eux , ils sentaient si bon
ils étaient si beaux
surtout Tony ...
quand elle passait près de lui
son parfum l'ensorcelait
emplissait son coeur d'enfant
il lui disait des mots d'amour
charmants ...
et avec un accent si doux
chantant :
" Voilà ma Nine , bonjour
chatoune , ma Nouche
tu es belle comme le jour !"
Elle l'aimait bien
avec son anneau à l'oreille
et ses boucles brunes
certains le disaient cruel
un gitan , un bandit , un vaurien ...
qu'il frappait les belles dames
les demoiselles , " les putains "
qu'il n'aimait que la thune ...
elle n'en croyait rien ...
qu'il les faisait travailler
là , dans la rue , sur le macadam
... pourtant elles ne faisaient rien
les belles dames ...
juste parler , rire , se pavaner
elle ne comprenait pas
elle n'avait que douze ans !
Dieu qu'elles étaient belles
gainées dans leur fourreau
de soie , leurs dentelles
juchées sur leurs talons-aiguilles
les dames , les demoiselles
les filles ...
" Les Groseilles à maquereaux " .